L’engagement politique d’Angela Merkel a quelque chose d’inhabituel. A la tête d’un pays fédéral et parlementariste qui accorde moins de pouvoir à l’exécutif, elle dégage une force et une sobriété dans l’exercice de ses fonctions qui traduisent un certain sens du devoir. Un sens du devoir sans éclat et sans fracas. 15 ans consécutifs à la chancellerie font d’Angela Merkel un exemple de gouvernance dans le monde entier. Une stabilité à faire pâlir d’envie la classe politique française.
Fidèle à elle-même
Pas besoin d’aller chercher très loin pour comprendre son fonctionnement politique. Il lui ressemble terriblement. Petite fille issue d’une Allemagne de l’Est délaissée par l’occident au profit du bloc soviétique, fille de pasteur protestant, son éducation n’est pas particulièrement placée sous le signe de l’opulence. Elle gagne quelques années après son accession à la chancellerie en 2005, le surnom de « Mutti », telle une mère de famille qui protège ses enfants. Les rend fiers aussi. Les premiers déplacements européens de Barack Obama et du premier ministre chinois se font à Berlin. Depuis 15 ans, aux yeux du monde, l’Europe c’est l’Allemagne et l’Allemagne c’est Merkel. S’imposer dans un milieu d’homme comme la politique, requiert un caractère bien trempé. Ses rivaux politiques le constatent régulièrement, notamment ceux de son propre camp, la CDU. Helmut Kohl connait la chanson. Exploitant un scandale financier qui jeta l’opprobre sur ce dernier, Angela Merkel prit les rênes du parti pour ne plus jamais les lâcher. Fine tacticienne politique, la CDU sans Merkel ne serait plus la CDU.
A contre-courant
"Angela Merkel est comme une vieille tante radine qui garde son sac sur ses genoux pour qu'on ne lui prenne pas son argent, mais les Allemands aiment cela", reconnaît Sigmar Gabriel, président du parti social-démocrate. D’où les hésitations de l’Allemagne lorsqu’il faut lâcher du lest et organiser un premier plan de sauvetage pour aider la Grèce en 2010. Pas dans la culture allemande de faire preuve de souplesse sur les règles budgétaires. Mais entre d’avantage d’intégration ou l’exclusion, « Mutti » fait le choix du pragmatisme en voulant consolider la zone euro.
A contre-courant de sa personnalité, l’audace fait partie de son panel de qualité politicienne. La décision, en 2011, de sortir du nucléaire. Réforme la plus emblématique, inattendue et politiquement inflammable. Décision qui était loin de faire l’unanimité, surtout au sein de son propre parti. Prendre le risque de se couper de sa base électorale sans pour autant séduire les écolos, c’est aussi cela Angela Merkel.
A contre-courant de son électorat. Prise de risque historique quand elle décide d’ouvrir les frontières de son pays à des centaines de milliers de demandeurs d’asile, syriens et Irakiens. Peur de l’islam et des attentats, la crise migratoire inquiète l’opinion et une partie de son électorat conservateur se détourne de la CDU pour migrer vers la formation d’extrême droite de l’AFD qui fait son entrée historique au parlement en septembre 2017. Sacrément culotée pour une femme qualifiée de « prudente ».
Sans avoir réellement préparé sa succession, Angela Merkel est une véritable place forte de l’échiquier politique international. La culture du compromis de la chancelière et le modèle allemand de la décentralisation font partie des secrets de sa longévité. Les allemands se souviendront longtemps de « leur vielle tante radine ».
ความคิดเห็น