Que ce soit en politique ou en famille, les disputes avec les proches sont souvent les plus virulentes. Le Maroc et l’Algérie sont bien placés pour en parler. Deux des plus grandes puissances du Maghreb font de leur discorde permanente un réel enjeu politique mondial. Statut du Sahara occidental, pression gazière et courses à l’armement, les sujets de querelles ne manquent pas à l’ordre du jour.
L’épineuse question du Sahara occidental
Pourquoi un tel rififi pour un territoire grand comme l’Île-de-France, situé sur la côte atlantique, bordé par le Maroc, la Mauritanie et l'Algérie. Quasi-désertique, le Sahara occidental est riche en phosphates et son littoral, long de 1 100 km, est très poissonneux. Cette ex-colonie espagnole est considérée comme un "territoire non-autonome" par l'ONU en l'absence d'un règlement définitif. Il est habité par plus de 500 000 Sahraouis.
80% du Sahara occidental est contrôlé par Rabat. Ce qui n’enchante pas Alger, loin de là. Le Front Polisario, organisation armée soutenue par l’Algérie réclame à qui veut l’entendre un référendum d'autodétermination. Le Sahara occidental est de fait coupé en deux du Nord au Sud depuis les années 1980 par un "mur des sables" long de 2 700 km, érigé par le Maroc.
Le business comme outil de réconciliation ?
Profitant d'une brève période d'embellie dans les relations entre Alger et Rabat, début février 1989, le président algérien Chadli Bendjedid s'était rendu dans le massif du Moyen Atlas pour y conclure un accord de paix économique. Pour plagier Hubert Védrine, la guerre c’est bien mais le business c’est mieux. Accord stratégique sur l'installation d'un gazoduc devant relier l'Algérie à l'Europe, à travers le Maroc. Erigé comme symbole de la bonne entente de l’époque, le gazoduc "Gaz Maghreb Europe" fût mis en fonctionnement en 1996.
Grâce à ce gazoduc, l’Algérie expédiait vers l'Espagne et le Portugal environ 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel annuel. En contrepartie du transit sur le territoire marocain, Rabat recevait gratos près d'un milliard de mètres cubes de gaz naturel. Les bons comptes font les bons amis. Que nenni.
Alger décide en octobre 2021 de ne pas reconduire son contrat gazier avec Rabat car les relations diplomatiques n’ont cessé de se dégrader ces dernières années jusqu’au point de non-retour. Pas question pour Alger que le Maroc puisse continuer à être alimenté par du gaz algérien. Se priver des milliards d’un contrat de livraison de gaz et se fâcher avec un de ses principaux clients, l’Espagne, au moment où le prix du gaz est au plus haut. Pas l’astuce du siècle. L’irrationnel est rarement l’ami de la géopolitique.
Le trio de la discorde
De manière assez fine, le Maroc a conclu le deal du siècle avec les Américains. Fin 2020, en échange de la normalisation des relations diplomatiques entre Rabat et Tel Aviv, le Maroc obtenait de Donald Trump la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara occidental.
Trahison de haute volée pour les Algériens qui soutiennent sans coup férir l’autodétermination des Sahraouis. Bafouée et isolée par cette décision, l’Algérie espérait un retournement de situation avec l’arrivé de Joe Biden au pouvoir. Que nenni.
Non seulement la Maison-Blanche n’a pas renié la signature de Donald Trump, mais en plus Rabat est devenu un partenaire stratégique et militaire de l’oncle Sam dans la région. Bingo, le Maroc veut moderniser son armée.
Après quelques emplettes de noël de lanceurs de systèmes de missiles sol-air patriots. Il n’en fallait pas plus installer une course à l’armement entre Rabat et Alger. Concurrence couteuse et disproportionnée dans une relation déjà tendue.
Ce ne sont pas les mêmes critères de réussite que Jacques Ségéla avec sa fameuse phrase « Si à 50 ans tu n’as pas une Rolex tu as raté ta vie ». Pour les frères ennemis du Magreh, ce serait plutôt « Si tu n’as pas acheté ton missile sol-air Patriots, tu as raté ta vie ». Chacun ses névroses et ses envies pour passer le réveillon de noël sereinement.
Comments