«Fakes news», "ennemis du peuple", "médias malhonnêtes et biaisés". Les relations entre le désormais ex-président des Etats-Unis Donald Trump et les médias mainstream du pays furent mouvementées. Une détestation mutuelle de façade qui a permis l’essor des deux protagonistes. Couverture télévisée gratuite et imbrication des enjeux politiques et financiers d’un côté. Augmentation significative des audiences et des recettes de l’autre. Conséquences de ce jeu de dupes.
Déclarations à l’emporte-pièces, insultes, prises de positions radicales : nombreux sont les médias qui n’ont plus grand-chose à voir avec le journalisme d’information.
Une polarisation exacerbée
Dans l’Histoire américaine, ce phénomène de polarisation des médias n’est pas nouveau. Pendant la guerre de sécession, le Chicago Tribune publiait des tribunes xénophobes et nativistes qui n’auraient pas déplu à la nouvelle ligne éditoriale de Cnews.
En 1987, Ronald Reagan avait mis un terme à la « Fairness doctrine », loi de 1949 qui exigeait des médias une certaine impartialité. La donne a maintenant changé. La notion même de journalisme a évolué. La ligne partisane des médias « traditionnels » a été allégrement franchi. L’émergence de sites d’extrême droite complotistes comme Breitbart ou Truthfeed ont déplacé les repères politiques.
Courant 2016, Fox News, placé pourtant sur une ligne très conservatrice, fut attaqué tout azimut par Breitbart et Truthfeed pour ne pas soutenir ouvertement Donald Trump. Paniqué à l’idée de perdre la base de son audience, Fox News deviendra la caisse de résonance de la propagande trumpiste. Tout y est passé. Vérités alternatives, fausses études, dires contradictoires… Fox News a doublé ses audiences en plus de 10 ans devenant la première chaine d’information du câble.
MSNBC a fait le chemin inverse avec un courant radicalement progressiste. Avec des animateurs plus engagés et partisans comme le démocrate Christopher Matthews ou encore Rachel Maddow qui ont réussi à attirer un public plus jeune. Même le plus apolitique des médias américains, CNN a fini par se mettre en ordre de bataille. La presse progressiste était entrée en guerre.
La mutation des Late night shows
Pendant la campagne de 2016, avoir Donald Trump sur son plateau était comme faire all-in avec une paire d’as en main, le succès (d’audience) était très souvent au rendez-vous. Il était de bon ton de se moquer de lui. La séquence médiatique où Jimmy Fallon ébouriffe les cheveux de Donald Trump frôle le scandale de complaisance. N’oublions pas non plus que Trump a présenté le Saturday Night live en pleine campagne présidentielle. Lunaire…mais tellement américain.
Au sein des Late Shows, l’ambiance est passée progressivement de l’amusement à l’engagement général contre le « monstre » Trump. Le basculement vers la critique politique fut radical. Stephen Colbert ne pouvait s’empêcher de commencer son émission par 11 minutes sur Trump, Jimmy Fallon le tournait constamment en ridicule, James Corden a même fait une reprise de Paul Macartney au piano sur « Maybe i’m immune » pour dénoncer les propos de Trump sur le Covid 19.
Trump a créé un contenu éditorial illimité pour nombre de médias. Avec son départ, la question du renouvellement des sujets abordés est au cœur des préoccupations des rédactions. Comment tourner la page sans perdre trop d’audience et de revenu publicitaire ? Depuis que Fox News a tourné le dos à son ancienne égérie, ses audiences ont accusé un sérieux coup de mou…
Paul Farhi (reporter au Washington post) résume bien la tonalité générale des journalistes américains. « Trump, quoi que vous pensiez de lui, a été une grande histoire, si inhabituelle, si différente et souvent assez tragique et ruineuse, mais néanmoins toujours une histoire. Et cela, du point de vue d'un journaliste, a été excitant. »
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