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  • Photo du rédacteurThomas Patris de Breuil

L’expertise, une parole moins audible ?

Dernière mise à jour : 15 mai 2020

Situation inédite. Défiance inédite. Le coronavirus a contribué à exacerber la méfiance d’une partie non négligeable de la population mondiale contre les « gouvernements d’experts ». Multitude de discours politiques ou scientifiques ne font plus foi dans un monde toujours plus numérique. Le niveau d’instruction de la population mondiale ne cesse de s’améliorer, les canaux d’information et de communication abondent mais le fossé avec les élites continue de se creuser. Tout en soulignant la spécificité de la situation actuelle, existe-t-il une crise de confiance contre les autorités représentant le savoir ?


Le temps : variable d’ajustement


« Faites moi plaisir accélérez les recherches scientifiques ». Ces mots de Donald Trump prononcés à l’occasion d’une conférence face à des patrons de l’industrie pharmaceutique où il évoquait la pandémie actuelle. Quelques heures plus tard, le rédacteur en chef de la revue scientifique Sciences le priait de « ne pas insulter la science » et lui rappelait que la création d’un vaccin prendrait du temps. Le temps est devenu une variable d’ajustement pour certains dirigeants politiques et une partie de la population mondiale.

Le temps de la science vs le temps de la politique


Il est compliqué à notre époque de l’instantanéité de comprendre le temps scientifique. Le temps des essais cliniques. Le temps des expériences. Le temps de la recherche. Il parait être un monde parallèle dans un contexte sanitaire où le monde attend un sauveur et une figure à aduler, et vite ! On ne compte plus les apprentis sorciers qui pensent détenir la potion magique, du président malgache avec son Artemisia annua, connue pour ses effets antipaludiques ou encore Donald Trump et ses cocktails à base d’eau de javel dans les poumons et ses séances d’UV.


Dans un autre contexte, un autre pays, cela pourrait passer pour une mauvaise blague. La « fan base » du président et une partie de la population américaine boit ses paroles. La communauté scientifique américaine, sidérée, a donc dû pondre un communiqué pour que la population n’applique pas les conseils du docteur Trump. Au-delà de l’anecdote, les populations attendent des réponses rapides qui ne sont pas compatibles avec le processus de recherche scientifique.

L’épreuve du doute


A l’heure des réseaux sociaux et des affirmations à l’emporte-pièce (n’oublions pas nos amis éditorialistes des chaines d’info-continue), le doute a du mal à exister. L’expert scientifique, plutôt enclin au doute, à la prudence et à la modération fait pâle figure face au tribunal internet et à l’opinion publique.


Dans ce contexte sanitaire inédit, il est impossible d’attendre des réponses précises à nos questions. Il est normal que les pouvoirs politiques et les autorités scientifiques tâtonnent sur les mesures à prendre, sur les prévisions attendues. Mais malgré le doute, elles se doivent d’agir. Ce sont dans les systèmes autoritaires où le doute n’est pas permis. Le doute est inhérent à notre société a fortiori dans ce contexte particulier.


Les professeurs Raoult et Montagnier, prix Nobel de médecine en 2008 pour ce dernier, font office de trublion dans le monde médical. Régulièrement au cœur de polémiques au sein de la communauté scientifique, leurs affirmations sans nuance sur les vertus de la chloroquine pour l’un, et sur l’origine humaine du virus pour l’autre sont d’autant plus étonnantes au regard de leur statut mais surtout leur impact médiatique auprès de la population Qu’ils aient tort ou raison, la question n’est pas là. Leur communication prématurée voir irresponsable brouille le message des autorités sanitaires. Accepter l’incertitude en devient un véritable défi.

Pour plagier Emmanuel Kant, « On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter ». Peut être une des morales de cette fable.

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